Dominique Binon

« Ha ! Si seulement j’avais le temps… »

« Ha ! Si seulement j’avais le temps… »

Pour commencer, une bonne et une mauvaise nouvelle.

Préférant « garder le meilleur pour la fin », voici la mauvaise : chaque jour se compose de 24 heures ou 1440 minutes.
Et c’est peu.

Voici maintenant la bonne : Chaque jour se compose de 24 heures ou 1440 minutes.
Et c’est beaucoup.

La vie est rythmée par les saisons, les levers et couchers du soleil et les cycles lunaires, les marées hautes et basses. Ces éléments, et les progrès technologiques (l’électricité, le smartphone… pour ne citer qu’eux), influencent et ponctuent notre environnement physique et donc nos modes de vie.

Néanmoins, s’il est une chose importante que nous avons tous et toutes tendance à oublier, d’autant plus quand on a une vie professionnelle intense et bien remplie, c’est que le temps est une donnée arbitraire, conceptualisée par l’homme.

Et s’il est essentiel de s’en rappeler fréquemment (le plus souvent possible) c’est parce que cela nous permet de relativiser, et donc de réduire la charge mentale, que génère notre propre rapport au temps.

Certes, il est difficile de relativiser lorsqu’on a l’impression de ne jamais avoir assez de temps pour « tout » faire, de courir après la montre, d’être au four et au moulin, d’être débordé, de ne pas savoir par où commencer, d’avoir une to do list interminable, etc.

Et pourtant, prendre soin de soi et prévenir tout risque de burn-out, a fortiori lorsqu’on travaille beaucoup (y compris les soirs et/ou week-end) passe par :

  • 1/ changer son propre regard sur la notion de temps
  • 2/ prioriser et donc faire des choix

Pour cela, une première ressource utile est de prendre conscience de son propre rapport au temps et de l’impact de celui-ci sur notre propre fonctionnement quotidien et sur nos choix. C’est la première condition pour être à même de changer ses habitudes.

Certaines personnes ont une approche du temps dite ‘on time’ et d’autres une approche dite ‘true time’.

Les personnes dont le rapport au temps est ‘on time’ se sentent bien si elle peuvent anticiper, (rétro)planifier, prévoir, inclure une marge de sécurité dans leurs déplacements, avoir des rituels précis. Pour elles le temps est une succession de séquences.

Ces sont des personnes qui, par exemple et en général : vont dormir à la même heure, font leurs courses de préférence à la même fréquence, consacrent le vendredi après-midi exclusivement à leur comptabilité, ont besoin de connaître leurs dates de RV et de réunion au moins 2 semaines à l’avance, disposent d’un agenda pré-rempli, etc. Elles anticipent, décident leur organisation et ne s’en détournent guère car cela les met en inconfort.

Les personnes dont le rapport au temps est ‘true time’ fonctionnent très différemment. Elles apprécient de profiter du moment présent quitte à prendre du retard sur les activités à effectuer, n’aiment pas que leur emploi du temps soit connu ‘longtemps’ à l’avance, aiment improviser (par exemple, un lunch, un afterwork, une discussion agréable qui se prolonge). Ces personnes s’adaptent facilement, sont disponibles, ne voient pas l’heure passer,

Leur perception du temps est élastique, le temps nécessaire pour faire une action est généralement sous-évalué.

Bien identifier son style peut nous rendre plus efficient

Il n’y a pas une bonne ou une mauvaise manière d’être dans son rapport et donc sa gestion du temps. Cependant, bien identifier si on est plutôt du style ‘on time’ ou ‘true time’, c’est se donner les moyens de penser son organisation en tenant compte de ce qui nous apporte satisfaction ET de ce qui peut nous rendre plus efficient.

Concrètement, si notre tendance naturelle est plutôt ‘true time’, mieux vaut :

  • réévaluer à la hausse le temps imaginé pour réaliser une tâche (exemple : rédiger un rapport prendra deux heures même si on a prévu qu’une seule suffirait),
  • remplir son agenda à maximum 60% de sa capacité pour conserver suffisamment de temps disponible pour les dépassements d’horaire,
  • bloquer des tranches horaires ‘de rendez-vous avec soi-même’ pour éviter de se laisser déborder par les sollicitations d’autrui (nombreuses du fait de notre disponibilité naturelle).

A l’inverse, si notre fonctionnement préférentiel est plutôt ‘on time’ il est important :

  • d’intégrer dans son organisation une marge de manœuvre pour les événement sur lesquels nous n’avons pas de contrôle (retard d’un patient ou d’un client et son effet en cascade),
  • de se montrer flexible pour les demandes en ‘last minute’,
  • d’accepter que les choses ne se passent pas comme on les avait prévues ou planifiées.

De la souplesse, ni trop ni trop peu

Faire preuve de trop de souplesse dans son rapport au temps c’est prendre le risque d’être débordé et de se laisser déborder en permanence, de vivre avec un sentiment permanent de ne jamais arriver au bout des choses et donc… d’être stressé. Manquer de souplesse et être hyper organisé c’est prendre le risque de se mettre de la pression, d’être hyper exigeant (envers soi et les autres) ; ces deux ingrédients réunis étant gros générateur de stress…

Quels que soient notre nature et le mode de fonctionnement qui a notre préférence, prioriser est une vraie ressource, un cadre sécurisant qui permet d’anticiper avec plus de sérénité.

La Matrice d’Eisenhower est un outil qui permet outre de prioriser, de hiérarchiser efficacement. Elle a été imaginée en partant de la déclaration de celui qui était alors commandant des forces alliées durant la deuxième guerre mondiale, Dwight Eisenhower (devenu par la suite Président des Etats-Unis).

Ce qui est important est rarement urgent et ce qui est urgent est rarement important, Dwight Eisenhower

Prioriser avec le Système des 4D

Une version simplifiée de la Matrice d’Eisenhower est le Système des 4D de la gestion du temps (de John Adair) :

 

4 D

Action

 

DO

Faites-le maintenant et vite.

Faites d’emblée les tâches qui ne prennent que quelques minutes, pour vous laisser du temps pour faire ce qui nécessite un temps plus long.

Exemple : rappeler un client qui a une question sur votre devis.

DELAY

Planifiez ce qui est sans conséquence si ce n’est pas fait immédiatement.

 

Anticipez, planifiez et respectez votre planning pour les tâches et les projets qui nécessitent un temps plus long.

Identifiez un moment où vous allez disposer de temps de qualité pour le faire.

Exemples : la fixation de vos objectifs business pour l’année à venir, une note de de projet à proposer à un partenaire, une formation.

DELEGATE

Déléguez à une personne qui peut le faire à votre place, plus vite que vous.

Ce n’est pas grave si ce n’est pas fait comme vous l’auriez fait. Ce qui compte c’est que cela soit fait et que cela vous permette de gagner du temps pour faire autre chose sur lequel vous avez une réelle valeur ajoutée.

Exemples : le ménage, la comptabilité, le secrétariat administratif.

DELETE

Laissez-tomber toute tâche qui n’est pas de votre responsabilité, sans plus-value pour vous, non nécessaire pour vous, sans effet sur vos résultats , que vous faites uniquement pour faire plaisir ou parce que vous vous sentez obligé.

Exemple : un mail pour lequel il n’y aura pas de conséquence si vous n’y répondez pas, une invitation à un lunch par une personne avec qui vous n’avez pas l’intention de faire affaire, un RV chez un client qui vous annonce d’emblée qu’il n’a pas de budget.

 

En conclusion, il est fondamental de repérer les voleurs de temps et d’énergie dans notre pratique professionnelle et notre vie quotidienne, de se poser plus systématiquement cette question : « Que se passe-t-il si je ne fais pas ceci ? Est-ce que c’est grave ? Vraiment ? ». Force est de constater que, la plupart du temps, ça ne l’est pas. Quel gain de temps durant ces 24 heures…

 

*A ce propos, cfr. l’article de la newsletter de janvier 2023 « Comment agir là où je peux changer les choses ? : les « cercles d’influence ».