Maude Roland

Les écrans et nos yeux

Les écrans et nos yeux

La fatigue visuelle

Les troubles musculosquelettiques (TMS) du membre supérieur, de la nuque et du dos sont très souvent cités comme étant la problématique majeure des salariés travaillant sur écran de visualisation.  La fatigue visuelle en est une autre qui talonne de près celle des TMS.

Le travail informatisé  n’engendre pas de pathologies visuelles mais peut clairement entrainer une fatigue visuelle.  On dit aussi qu’il peut exacerber un problème visuel existant qui n’aurait pas encore été diagnostiqué ou qui serait mal corrigé.

La fatigue visuelle est souvent assimilée à ce que l’on nomme le syndrome de l’œil sec ou sécheresse oculaire (liée à la sécrétion lacrymale).  Les principales manifestations sont des sensations de lourdeur des yeux, des rougeurs, des picotements, des éblouissements, les yeux secs, des maux de tête, une myopie temporaire, …  Il en résulte habituellement une baisse de la performance visuelle.

A la différence des pathologies visuelles, cette fatigue est un phénomène réversible qui peut être considérablement réduit voire évité par la mise en place d’actions visant à réduire ou éviter la présence de facteurs de risque.

Ces facteurs de risque à l’origine de la fatigue visuelle sont de plusieurs types :

  • individuels : présence de défauts visuels, l’âge, une correction visuelle non adaptée, etc …
  • liés à l’équipement : surface brillante (plan de travail, écran, clavier, …), mauvaise qualité d’écran/d’impression…
  • liés à l’aménagement : conditions d’éclairage inappropriées, mauvaise orientation par rapport aux sources de lumière, distances de lecture trop courtes/longues, …
  • organisationnels : durée du travail excessive, absence de pauses visuelles, exposition aux écrans à des heures trop tardives, …

 

Que faire pour réduire le risque de fatigue visuelle ?

Pour cet article, nous avons fait le choix de ne pas détailler certains points sur lesquels vous n’avez à priori que peu de moyens de contrôle en tant que travailleurs.  Nous ne nous attarderons pas non plus sur les facteurs de risque individuels. Enfin, notre discours sera un peu orienté vers le domicile car le télétravail imposé par la pandémie a très certainement influencé la fatigue visuelle ressentie par certains aujourd’hui…

Voici quelques recommandations / points d’attention :

 

  • L’environnement :
    • Les conditions d’éclairage jouent un rôle très important. Au domicile, il est plus compliqué d’évaluer l’éclairage selon les critères habituels (puissance, niveau d’éclairage, température et rendu des couleurs).  Néanmoins, quelques conseils peuvent être donnés :
      • Assurer une ambiance lumineuse homogène (pas de zones d’ombre). L’éclairage naturel est certes plus agréable mais il ne permet en général  pas d’éclairer de façon homogène toute la pièce et il est fluctuant au cours de la journée.  pour ces raisons, nous conseillerons d’utiliser l’éclairage artificiel.
      • Positionner correctement les postes par rapport aux sources de lumière :
      • Les postes de travail seront placés perpendiculairement aux fenêtres. le cas échéant, Il faut occulter les fenêtres
      • Privilégier le placement du plan de travail sous un luminaire.
      • Une lampe d’appoint peut être utilisée mais toujours en complément de l’éclairage général. Elle servira à la lecture de documents et ne sera à priori pas nécessaire si le travail s’effectue uniquement sur l’écran.
    • Privilégier une pièce où les murs et plafonds sont de couleurs claires et mates. Ceci permettra une meilleure diffusion de la lumière et réduira les contrastes (qui peuvent engendrer un surcroit de travail pour les yeux).
    • Privilégier un équipement clair et mat (bureau, écran, clavier, …) pour limiter les contrastes et éviter au maximum les phénomènes de reflets/éblouissements: éviter les tables en verre ou foncées, éviter les sous-mains foncés, …
    • Affiner les réglages de luminosité et de contraste de l’écran en diminuant la luminosité, par exemple les jours où il fait un peu plus couvert.
    • veiller à ce que les caractéristiques d’affichage soient les plus similaires possible si vous travaillez sur plusieurs écrans,
    • Penser au mode « nuit » souvent proposé pour les écrans lorsque vous travaillez plus tard le soir et/ou très tôt le matin. Nous y reviendrons plus tard mais cela permet de réduire l’exposition à la lumière bleue à des horaires inappropriés.
    • Avec l’âge, prévoir davantage de lumière, même si le travailleur ressent l’inverse…
    • Maintenir un taux d’humidité correct, surtout en cas d’utilisation de climatisation car ces dernières ont tendance à assécher l’air ambiant. Les recommandations préconisent une humidité relative entre 40 et 60%.  Notez qu’avec une humidité relative à 40%, les porteurs de lentilles risquent de trouver que l’air est encore trop sec.  L’ouverture régulière des fenêtres, le placement d’humidificateurs voire de plantes vertes peuvent aider à maintenir une bonne humidité de l’air.
    • D’autres facteurs comme le tabagisme peuvent également modifier les sécrétions lacrymales.

 

  • L’aménagement du poste de travail:
    • Veiller à ne pas placer l’écran trop haut car :
      • La sécrétion lacrymale est moindre lorsque le regard est plutôt porté vers le haut.
      • La surface oculaire exposée à l’évaporation lacrymale est plus importante (yeux davantage ouverts).

Pour rappel, l’idéal est de placer le bord supérieur de l’écran à hauteur des yeux, en l’inclinant le moins possible. 

Si vous portez des verres progressifs, l’écran sera placé plus bas et sera davantage incliné.  Cette position est également favorable pour la posture en général.

  • L’écran doit être placé bien en face de vous afin de trouver les informations dans des angles de confort visuel. Si plusieurs écrans sont utilisés, il faudra déterminer l’importance (fréquence de consultation) de chacun.  Par exemple, privilégier le placement de l’écran principal bien en face de vous ou vous placer entre les 2 écrans s’ils sont de même « importance ».

  • L’écran doit être placé à une distance comprise entre 50 et 70 cm des yeux. Cette distance est fonction de votre vue, de la taille de l’écran et de la résolution de l’affichage mais également du type de données à traiter.

 

  • Le comportement / les habitudes / l’organisation / le type de tâche
    • Pauses régulières :
      • Il est recommandé d’appliquer la règle des « 3X20 » : porter le regard à 6m au moins (20 feet/pieds) pendant 20 secondes toutes les 20 minutes.
      • Il faut également profiter des pauses actives à mettre en place pour lutter plus globalement contre les TMS pour porter le regard loin (paysage, bout d’un couloir, …). Pour rappel, ces pauses actives consistent à se lever/quitter son poste pendant 10 secondes à 2 minutes toutes les heures (1h30 maximum).  L’un ou l’autre exercice de mobilisation/stretching peuvent être réalisés.

Exemples :

Il existe également des exercices plus spécifiques pour détendre le regard…

Vous trouverez de nombreux exercices proposés sur internet.

Exemple :

Pendant les pauses, vous pouvez également exagérer les mouvements de clignements des yeux ou appliquer des compresses humides sur ceux-ci. 

  • Si le contenu de travail comporte des tâches nécessitant une forte attention, la fréquence de ces micro-pauses devrait être augmentée et/ou une alternance devrait être instaurée avec des tâches nécessitant moins de concentration visuelle.
  • Eviter l’usage intensif de la souris qui a tendance à entrainer de longues durées de fixation de l’écran où la fréquence de clignement se voit alors réduite et les yeux asséchés…Vous pouvez alterner les tâches nécessitant l’utilisation accrue de la souris avec d’autres tâches. Vous pouvez également utiliser davantage certains raccourcis clavier.
  • Préférez les affichages présentant des caractères foncés sur un fond clair.
  • Garder à l’esprit qu’il faut au moins 2 à 3 semaines à votre corps pour s’habituer au moindre changement. Pendant cette période, il est probable que vous ressentiez même de l’inconfort (pas de la douleur).  Il est donc important que vous soyez patient lorsque vous allez tester l’un ou l’autre aménagement.  Si vous continuez à souffrir malgré certains aménagements cités dans cette petite information, nous vous conseillons d’envisager de programmer un bilan chez un spécialiste.

 

Que doit-on penser de la « lumière bleue » ?

Avec l’augmentation de l’utilisation des LED pour l’éclairage,  les travailleurs sont davantage exposés à  la lumière bleue et s’en inquiètent.

Certes, les LED émettent de la lumière bleue, mais comme toutes les sources d’éclairage artificiel ou naturel… 

La lumière bleue peut effectivement représenter un risque de lésion pour la rétine en fonction de divers paramètres (luminance énergétique de la source, durée d’exposition).  Ces conditions traumatisantes ne sont pas atteintes dans le cadre de l’utilisation courante auxquelles nous sommes soumis.

Nous souhaitons donc insister sur le fait que l’exposition des travailleurs, en condition normale d’utilisation, ne présente aucun risque lésionnel pour la rétine.  Par contre, cette lumière bleue influence notre horloge biologique (cycles circadiens) et peut impacter notre sommeil par exemple.  La majorité des écrans proposent des filtres limitant la lumière bleue.  Ces filtres sont à utiliser en fin de journée mais globalement, il est recommandé de simplement limiter l’exposition à toute forme de lumière bleue (écrans sans filtres et éclairage LED) trop tardivement.

Nous sommes régulièrement sollicités pour donner un avis sur le bien-fondé de l’utilisation de filtres à placer sur les écrans et/ou sur les lunettes.  Les filtres pour écran sont pour nous d’un autre temps.  Concernant les filtres pour lunettes, d’un point de vue scientifique, ils ne se justifient pas mais nous ne nous y opposons pas puisque certaines personnes nous font part d’une amélioration de certains symptômes… Nous vous mettons juste en garde quant aux tarifs exagérés pratiqués par certains fournisseurs…